“Dans cet appartement, l’agence Marcante-Testa réinterprète joyeusement l’héritage vénitien en jouant avec les styles et les couleurs, en dynamitant les conventions… Un esprit ultracontemporain, chic et acéré souffle sur la Lagune.”

 

texte: Oscar Duboÿ

photos: Carola Ripamonti

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Un immeuble à Venise, quatre étages, tout à refaire, des parties communes jusqu’aux appartements… le projet rêvé pour un architecte. Que nenni ! Arrivés sur les lieux, Andrea Marcante et Adelaide Testa n’ont rien trouvé des anciens fastes de la Sérénissime : il ne fallait pas refaire, mais plutôt faire, rendre un peu de rêve vénitien aux vacances d’un couple d’Italiens installés à Londres avec leur fille, sans tomber dans le pastiche baroque très à la mode dans les restaurations voisines. Car l’agence turinoise Marcante-Testa n’est pas du genre passéiste et préfère même cultiver ses paradoxes, selon les propres mots d’Andrea Marcante : « Comme l’a écrit un jour une journaliste américaine, notre style est un mélange d’élégance et d’ironie très italienne. Il faut que ce soit sérieux et amusant, masculin et féminin, de façon à trouver une harmonie qui procure cette sensation de bien-être dans un espace. Autrement dit, raconter une histoire italienne tout en la réactualisant et surtout ne pas s’enfermer dans une maison complètement uniforme, figée dans un code unique. » Alors les deux architectes ont brouillé les pistes en allant chercher les références pour mieux les décoiffer, quitte à les remixer à leur sauce, contemporaine et hypercolorée. Il suffira de jeter un coup d’oeil dans le salon pour remarquer ce beau sol ancien, dont les motifs carrés ont inspiré une séparation taillée sur mesure en zigzag. De ce zigzag postmoderne au losange, puis du losange au carré à la Scarpa et pourquoi pas jusqu’aux rondeurs des fenêtres palladiennes… chez les Marcante-Testa, la ligne ne connaît pas de sens interdits, elle dynamite les styles, dessine l’espace et laisse sur son passage quelques pirouettes déco-ratives audacieuses. Dans la cage d’escalier, elle esquisse une façade vénitienne à coups de boiseries rouges pour rattraper l’extérieur, avant de sortir de son chapeau une fausse ouverture en bandeau, en enfilant des fenêtres un peu avares le long d’un cadre en laiton. «Même le meuble sur mesure devient un élément d’aménagement, abonde Andrea Marcante. C’est une partie de l’architecture qui nous permet d’articuler l’espace sans rien détruire, en évitant le plus possible d’intervenir avec une restructuration lourde qui sera plus difficile à modifier plus tard. L’architecture et la décoration vont ensemble.» Une capacité d’adaptation à toute épreuve qui devient ici source d’astuces, tel un trucage de Méliès qui provoquerait tout à coup un instant de magie. Les inspections des Monuments historiques, les sols en pente, les murs en Placoplâtre, sans parler de la structure traditionnelle à scorzoni, en bois et mortier, qui se cache derrière, éternel casse-tête de chantier dans une ville qui se doit de rester ultralégère et élastique pour ne pas alourdir ses fondations… Les deux architectes turinois ont tout connu des charmes empoisonnés de la vieille Cité des Doges: malgré ses rides, leur cure de jouvence lui a refait une beauté.